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L’intelligence artificielle dans l’audiovisuel :
entre promesses et désillusions

By 20 février 2025février 24th, 2025No Comments

Connaissez-vous le SATIS ? Ce salon, dédié aux innovations technologiques dans l’audiovisuel, rassemble chaque année les acteurs majeurs du secteur.

En novembre dernier, nous nous y sommes rendus pour la première fois en tant que simples visiteurs, animés par la curiosité et l’envie de mieux comprendre l’exploitation des nouveaux outils. Le salon regroupe industriels, experts et créateurs qui façonnent l’avenir du domaine. Il offre aussi des conférences qui peuvent nous rassurer… ou pas !

Les conférences sur l’intelligence artificielle étaient pleines à craquer. Le sujet intrigue autant qu’il questionne. Quelles perspectives ouvre-t-il ? Quels métiers seront transformés, voire menacés ?
Spoiler alert : L’IA est déjà bien présente dans l’audiovisuel, et la traduction, le sous-titrage et le doublage n’échappent pas à cette révolution. Je décide d’assister à la conférence “Que peut-on attendre de l’IA en postproduction ?”.
On y évoque d’abord les nouvelles pratiques en graphisme et vidéo, puis, au bout d’une demi-heure, la discussion s’oriente vers l’IA appliquée au sous-titrage et au doublage.
Ce qui est appréciable dans ce type de réunion, c’est lorsque les intervenants réussissent à exprimer avec justesse ce que nous expérimentons chaque jour dans notre métier. @SergeGreck, d’ITC Global (que je ne connais pas, mais que je salue ici) , aborde lors de son intervention les attentes et les déceptions liées aux prestations générées par l’IA, ainsi que la nécessité incontournable d’un contrôle humain sur ces productions. Comme lui, nous avons été curieux des promesses de l’IA, espérant y voir un allié précieux pour notre activité. Mais, à mesure que nous l’observons à l’œuvre, l’enthousiasme peut laisser place à une certaine forme de désillusion.
Chez Pop Translation, nous sommes confrontés chaque jour à l’écart entre les attentes de nos clients et la réalité du terrain. L’IA a fait naître l’idée qu’en l’utilisant, on pouvait obtenir un résultat rapide et à moindre coût. Et c’est vrai… dans certaines situations.
Lorsqu’il s’agit d’un usage personnel, l’expérience est bluffante : en un clic, je peux échanger en néerlandais sur Airbnb pour réserver mon week-end à Amsterdam sans connaître un mot de la langue. Mais dans un cadre professionnel, où l’exigence de qualité est primordiale, la question se pose différemment : peut-on réellement se fier à une IA pour produire un contenu irréprochable ? D’autant plus lorsqu’il s’agit de doublage en voix de synthèse, un domaine où l’IA peine particulièrement, car il repose avant tout sur l’expression et l’émotion humaines.
Il existe bien sûr des usages IA optimisés, où tout semble fonctionner parfaitement. Par exemple, dans les projets de doublage de conférenciers, enregistrés dans des conditions optimales, l’IA parvient à restaurer une prononciation impeccable sur des langues bien maîtrisées, dans des combinaisons linguistiques standards (anglais > français). Dans ce cas, tout roule : l’économie attendue est bien au rendez-vous. On produit plus vite, le contrôle qualité devient une simple formalité, et l’ensemble coûte moins cher.
Mais qu’en est-il des cas plus complexes, et ils sont nombreux ?
Dès que l’on sort des usages classiques, les limites apparaissent. L’IA peut produire une langue froide, fonctionnelle, et dénuée de nuances et d’émotions. Les subtilités culturelles, les jeux de mots, les tonalités adaptées au contexte sont souvent sacrifiés au profit d’une exactitude superficielle. Dans le doublage, la voix de synthèse peut sembler fluide, mais elle peine à transmettre une véritable intention, une émotion crédible.
Et les bizarreries ne manquent pas. Prenons l’exemple d’un nom propre européen que l’on demande à une voix asiatique de prononcer : l’IA trébuche, hésite, invente une sonorité qui n’existe pas, rendant le résultat totalement artificiel. Autre cas, celui d’un anglicisme prononcé par une voix française, où l’on obtient un irrésistible effet Inspecteur Clouseau – les amateurs de Peter Sellers apprécieront. Quant aux langues plus rares ou dites exotiques, elles pâtissent souvent de bibliothèques vocales limitées, produisant des intonations robotiques ou des phrases hachées, loin d’un rendu naturel.
Face à ces approximations, il devient évident que l’humain reste indispensable, non seulement pour corriger, mais aussi pour redonner du relief, du naturel et de la crédibilité aux contenus produits.
C’est à ce moment-là que le ou la comédien/ne refait surface, car en quelques prises, il ou elle donne vie et naturel à l’ensemble. Et cela peut se faire très rapidement avec quelques directives précises.
Attention, il ne s’agit pas de dire « Plus jamais l’IA » ou « L’IA démission, retour aux comédiens ! ». La vraie question est de savoir quand l’IA est un véritable atout et quand elle risque, au contraire, de nous faire perdre du temps en post-production à tenter de corriger l’irréparable.
Tout est une question de bon usage et de discernement. Seule une évaluation préalable du projet par un professionnel humain, combinée à un contrôle qualité rigoureux, permet de garantir un travail véritablement professionnel, sans prendre le risque de jouer aux apprentis sorciers.

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